Quand on vous dit « aquarelle », vous pensez à des marines désuètes ou encore des paysages azurés un rien « gnangnan » dignes d’un calendrier des postes ? Vous avez raison ! L’aquarelle fut parfois un refuge pour amateurs plus ou moins éclairés. C’est d’autant plus étonnant qu’il s’agit d’une technique très ancienne, exigeante et sensible. L’aquarelle, longtemps tombée en désuétude, injustement déclassée par une huile souveraine, séduit des artistes contemporains de renom et démontre son potentiel de puissance et d’expression.

KAZoART vous propose d’aller à la rencontre de l’aquarelle dans tous ses états.

L'aquarelle sur KAZoART

A l’origine

Un mélange d’eau et de pigments, voilà ce qu’ont utilisé nos vénérables ancêtres pour tracer les désormais célèbres peintures rupestres découvertes dans les grottes de Lascaux. Il pourrait s’agir des premières occurrences de l’utilisation picturale de l’aquarelle. Les tombeaux et les chambres mortuaires de l’Egypte ancienne étaient également décorés de peintures utilisant des techniques similaires.

Fleurs de magnolias et de cerisier ornemental, Yun Shouping, 1672, dynastie Qing
Fleurs de magnolias et de cerisier ornemental, Yun Shouping, 1672, dynastie Qing

La Chine antique a fait de l’aquarelle sa technique de prédilecton et l’emploie dans la majorité de ses œuvres. Appliquée sur soie ou sur papier sa transparence délicate souligne la minutie et le raffinement oriental.

Le Moyen Âge

L’aquarelle fut beaucoup utilisée dans les enluminures et pour illustrer les premiers livres à gravure jusqu’à ce que les primitifs flamands généralisent l’usage de la peinture à l’huile. Jugée plus pérenne et permettant à l’artiste de travailler plus aisément son oeuvre, l’huile devient la peinture de référence et détrône pour longtemps l’aquarelle qui ne reviendra véritablement qu’au 18e siècle.

Enluminure Moyen-Age
Enluminure Moyen-Age

L’aquarelle affrontera simultanément une autre concurrente féroce : la caséine. La peinture à base de caséine, bien qu’étant également une peinture à l’eau, a cette propriété de durcir avec le temps et de devenir très solide.

Les 15e et 16e siècles

Ils amorcent en Europe l’ère de la découverte. Les colonisateurs annexent des territoires, les explorateurs arpentent le monde, développent des partenariats commerciaux et vont à la rencontre d’autres cultures. Les cartographes et topographes qui souvent les accompagnent ont pour fonction de décrire, de mesurer les espaces qui les entourent.

John White, Chasseur Inuit, 16es, aquarelle
John White, Chasseur Inuit, 16es, aquarelle

Facile à utiliser et à transporter en extérieur, l’aquarelle devient alors un outil de prédilection. Elle permet d’apporter un témoignage de leurs contacts avec de nouvelles civilisations comme John White en 1577 qui fut l’un des premiers à représenter picturalement le peuple Inuit.

Hans Holbein, Portrait de Jane Pemberton, 16e s, aquarelle sur vélin
Hans Holbein, Portrait de Jane Pemberton, 16e s, aquarelle sur vélin

A cette même époque l’aquarelle trouve un autre usage dans la réalisation de portraits en miniature qui feront fureur dans le milieu de l’aristocratie européenne. Le peintre d’origine allemande Hans Holbein le jeune (1497-1543) devient un spécialiste reconnu de ces portraits comme  l’orfèvre et enlumineur anglais Nicholas Hilliard (1547-1611) ou encore Isaac Oliver (1556-1617). Ces artistes réalisent en effet des oeuvres extrêmement raffinées sur des supports d’à peine quelques centimètres qui se portent comme de véritables bijoux.

Le 17e siècle

Des grands peintres  de l’école hollandaise utilisent de plus en plus la technique de l’aquarelle dans leur travail comme Heindrick Avercamp (1585-1634). Ce spécialiste des paysages et notamment des paysages d’hiver trouve dans l’aquarelle une technique adaptée à son style minutieux.

Heindrick Avercamp, Scène sur la glace, 17es, aquarelle
Heindrick Avercamp, Scène sur la glace, 17es, aquarelle

Plus généralement l’aquarelle est utilisée pour les esquisses, les études. Lors de leurs voyages  des artistes comme Fragonard la choisissent encore une fois pour sa praticité . Elle colorise également certains dessins pour leur conférer davantage de relief mais demeure une ébauche dans le processus artistique, elle peine à exister comme une technique à part entière.

Le 18e siècle

Il signe la progressive réhabilitation de l’aquarelle. En produisant un grand nombre de paysages utilisant cette technique les peintres vénitiens vont renouveler l’envie de recourir à une peinture à l’eau. A l’exemple de Canaletto (1697-1768), un artiste prolifique de ce que les historiens de l’art appeleront le « védutisme ».

Le Doge de Venise, départ pour le Lido, Antonio Canaletto, 1712-1768
Le Doge de Venise, départ pour le Lido, Antonio Canaletto, 1712-1768

Il s’emploie en effet à décliner Venise sous tous ses aspects avec une maîtrise et un souci du détail époustouflants. Sa prodigieuse habileté technique est couplée avec une vision espiègle et provocatrice mettant en scène les vénitiens dans des postures parfois très prosaïques.

Le 19e siècle

Ce sont les anglais avec la fondation de la Royal Watercolor Society en 1804 qui vont rendre ses titres de noblesse à l’aquarelle. Des artistes de grand renom comme William Turner (1775-1851) produisent des oeuvres d’une telle puissance qu’elles ne permettent plus de douter des capacités évocatrices de cette technique.

Der Vierwaldstätter See, William Turner, 1802, aquarelle
Der Vierwaldstätter See, William Turner, 1802, aquarelle

Le 20e siècle

Les artistes contemporains s’approprient l’aquarelle qui, livrée à leur art, démontre l’étendue quasiment infinie des possibilités qu’elle peut offrir. Rodin, Degas, Toulouse-Lautrec choisissent cette forme d’expression dans des travaux qui ne sont plus de simples esquisses mais des oeuvres à part entière.

C’est également le cas pour Emil Nolde, Egon Schiele, August Macke, Vassily Kandinsky, Paul Klee, ou encore Georges Rouault qui expriment avec l’aquarelle toute la variété de leurs univers artistiques et de leurs talents.

Mädchen unter den Bäumen, August Macke, 1914, aquarelle
Mädchen unter den Bäumen, August Macke, 1914, aquarelle
Study for Composition VII, Wassily Kandinsky,1913, aquarelle
Study for Composition VII, Wassily Kandinsky,1913, aquarelle
Liegender weiblicher Akttorso, Egon Schiele,1910, aquarelle
Liegender weiblicher Akttorso, Egon Schiele,1910, aquarelle

Le 21e siècle

Certains artistes ont vu dans l’eau de l’aquarelle le miroir de leur passion. C’est le cas de Jean Bazaine (1904-2001), chef de file de l’école abstraite en France qui nourrissait une réelle fascination pour les paysages de Bretagne. Maurice Estève et Zao Wou-Ki donnent d’autres exemples de l’utilisation moderne de l’aquarelle.

Saint Guénolé 1965, Jean Bazaine, aquarelle et encre de chine
Saint Guénolé 1965, Jean Bazaine, aquarelle et encre de chine

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