Bettina Eberhaerd Artiste plasticienne autodidacte, née à Bruxelles, en 1963, travaille et vit à Amélie-les-Bains-Palada, Pyrénées Orientales.
Exploratrice de l'imaginaire, promeneuse dans l'onirisme, tout en questionnant l'environnement, le vivant et la matière, j'évolue à partir du monde subjectif. A l'écart des agitations, un autre monde, une autre réalité, l'essentiel d'un dialogue avec le vivant.
Dans la création, comme dans le jeu, réagir en toute liberté sans entraves d'aucun ordre, se sentir investi, s'impliquer. "L'art est un jeu, un jeu de l'esprit" disait Dubuffet. Créer, comme jouer, c'est jeter un pont entre la fantaisie et la réalité par l'efficacité magique de sa propre libido, l'une des formes de dialogue avec l'invisible. Retrouver ainsi le fil de ce "qui" nous sommes, sous l'épaisseur d'illusions, d'éducations reçues, de croyances structurantes et rassurantes qui limitent nos libertés.
En tant que plasticienne, photographe d'arrière grand-père... et de père en fille, la photographie sera mon medium de prédilection. Celui-ci trouvera très vite un prolongement créatif dans l'art digital à partir de mes photos oubliées, stockées ou ratées.
Ma rencontre avec le fil, quant à lui, remonte aux années 1994, lors d'un pèlerinage aux sources du Gange, en Inde. Sur le chemin, je trouve un petit bout d'étoffe, quelques centimètres de fils tissés que le temps et l'abandon a dé-tissé aux extrémités.
Récemment, depuis mon installation dans les Pyrénées Orientales, je rencontre en Catalogne du Nord, aussi bien le tissage vivant avec « Les Toiles du Soleil » à Saint-Laurent- de-Cerdans, que les anciens ateliers de tissage d'Arles-sur-tech. Une fabrique abandonnée en catastrophe, dans les années 40, lors d’une crue mémorable du fleuve à proximité « Le Tech ». Aujourd’hui, lieu d’une véritable mémoire à la fois douloureuse et active, où, sur les métiers à tisser abandonnés, sont encore présents les tissus en cours d'élaboration ... tissages interrompus. Entre les fils de coton tendus, aux couleurs fanées, sur les lisses et les fils d'araignées qui, depuis, s’y sont installées, j’y redécouvre le temps en suspension !
Mon travail autour du fil ou d’assemblage est élaborer exclusivement à partir de matériaux récupérés, imprégnés des traces du temps, ayant une histoire, une usure.
J’ai constaté que, pour ma part, le déclenchement du processus de création est la mise en ordre de mon espace de travail : je range, je déplace, voire je dérange, je retrouve, j’arrange, je dispose. Pour seul objectif, la mise en forme d’une idée d’harmonie, de cohérence, une éloge à l’élégance, à la beauté des formes, dans une expression recherchée la plus simple, les associations des matières, des couleurs, se font naturellement dans un geste spontané. Quand il arrive que celui-ci tâtonne, hésite, ou devient laborieux, j’arrête, je laisse en suspend... pour y revenir plus tard... des fois bien plus tard !