Rosemay a commencé à dessiner à l’âge de 7 ans, à la fois fascinée et impressionnée par le trait fort et noir « des vieilles » de Goya. L’âpreté du trait, son intransigeance l'ont paradoxalement attirée. Elle a éprouvé en les reproduisant, le sentiment d’une force vitale dans laquelle elle a puisé inlassablement, d’abord par le dessin puis par la peinture.
De grands portraits au fusain, aux traits parfois déformés, mais déjà construits autour de leurs regards ont donc jalonné une première période. Les couleurs ont été une conquête, lente, progressive. D’abord de grandes tâches monochromes sur de la gouache en noir et blanc, Puis, l'aquarelle s'est immiscée jusqu'au jour où avec le pastel sec puis à l'huile tout a basculé. D’inaccessible, la couleur est devenue le substrat même de ses tableaux. Les teintes, leur déclinaison, leur composition, leurs variations en fonction des supports utilisés se sont invitées au premier rang de ses recherches, de sa quête.
Les portraits l'ont bien sûr accompagnées tout au long de ce voyage. Rosemay scrute les visages, les laboure, les transforme en commençant par les yeux. Le regard, cette fenêtre ouverte entre le sujet du tableau et celui qui le regarde est toujours premier mais la diversification des thèmes de ses tableaux, de ses recherches lui ont permis de l’aborder de l’éclairer, autrement. Ainsi, les paysages d’abord amples, figuratifs ont été de plus en plus ramassés jusqu’à n’être que des compositions de couleurs, qui invitent à imaginer. De là, elle a franchi le pas vers le semi abstrait, de plus grandes toiles, aux teintes souvent plus franches, un continent nouveau qu'elle a commencé à explorer avec les mêmes précautions que les couleurs. A contrario dans le nu, il faut saisir le corps en quelques coups de fusain, le trait appuyé, puis travailler ensuite les mélanges l'encre, le pastel et le fusain comprimé. Les dessins, les nus individuels, les compositions, son grand espace de liberté.
Voilà, en quelques mots l’histoire d’un voyage dans lequel, explorer, oser, douter, se réinventer résument sa joie de peindre.
Barbara Allen (2021)